Services déconcentrés
Quand la préfecture demande aux agents de contredire leur administration centrale
Dans un courrier que s'est procuré Acteurs publics,
le directeur adjoint d'un service déconcentré de la Nièvre demande à
ses agents, au nom de la préfète du département, de transgresser des
règles imposées par leur administration centrale. Les syndicats
dénoncent un excès de pouvoir et des « menaces inadmissibles ». Et appellent à une clarification urgente de l'organisation de l’État dans les territoires.
« La préfecture nous demande de transgresser les directives de notre administration centrale. C'est inadmissible !»
Les agents de la direction départementale de la cohésion sociale et de
la protection des populations (DDCSPP) de la Nièvre ne décolèrent pas
après qu'ils ont reçu, mi-novembre, un mail de leur directeur adjoint
leur demandant, au nom de la préfète du département Michèle Kirry, de
modifier certaines de leurs procédures de travail.
Dans ce mail que s'est procuré
Acteurs publics (
cliquez ici pour le consulter),
le directeur détaille les changements à opérer, notamment celui de ne
plus faire figurer dans les courriers adressés aux administrés les
peines encourues s'ils ne respectent pas certaines obligations
réglementaires. Le mail poursuit :
« Pour ceux d'entre vous ou ceux
de vos agents qui nous rappellerons que certains modèles de courriers
sont imposés par je (ne) sais quelle administration centrale, vous
veillerez à les informer que Mme la Préfète représente l’État dans la
Nièvre et que nous prenons directement les ordres d'elle, premier
échelon hiérarchique de chacun d'entre nous. »
Et d'insister : « Je vous rappelle que Mme la Préfète est toute
disposée à venir expliquer, ici à la DD (la direction départementale
ndlr) et à chacun d'entre nous, ce qu'est un ordre de Préfet. »
Les conséquences de la RéATE
« Je ne sais quelle administration centrale », « expliquer un ordre de préfet »... Des formulations pour le moins maladroites qui ont fait bondir les organisations syndicales. La CFDT juge « inadmissible » ces « menaces » et Solidaires dénonce une « mise au pas humiliante ». Et les deux organisations syndicales de pointer une affaire révélatrice des conséquences « désastreuses »
pour les agents de la révision générale des politiques publiques (RGPP)
et de la réforme des administrations territoriales (RéATE).
La RéATE a entraîné la fusion de nombreux services déconcentrés. Les
DDCSPP sont ainsi des directions départementales interministérielles
(DDI) nées en 2010, dans les départements à faible démographie, de la
fusion des directions départementales de la protection des populations
(DDPP) et des directions départementales de la cohésion sociale (DDCS).
Ces fusions, souvent menées au pas de charge, ce sont traduites par des
réductions d'effectifs et des missions élargies pour les agents. Et ces
derniers reçoivent semble-t-il, parfois, des ordres contradictoires
entre, d'une part, leur administration centrale à laquelle ils sont
rattachés et, de l'autre, le préfet, qui concrètement chapeaute dans les
territoires les services déconcentrés.
Un courrier à Benoît Hamon
Dans un courrier adressé au ministre de l’Économie sociale et
solidaire et à la Consommation, Benoît Hamon, en réaction aux tensions
dans la Nièvre, le syndicat Solidaires écrit ainsi :
« Certes
les agents sont sous l’autorité des DDI (directions départementales
interministérielles) et eux-mêmes des préfets de leur département mais
il me semble que les préfets sont les représentants dans leur
département de l’ensemble des ministres... » (
Cliquez ici pour consulter le courrier de Solidaires).
Solidaires prolonge : « Les consignes données par les
administrations centrales aux agents ne sont pas des effets de style
mais ont un intérêt et ont vocation à être appliquées. Pour quelles
raisons les contester si ce n'est pour contester l'autorité de la
direction générale, et par là-même la vôtre ? » « L'autorité du préfet
sur les agents de l’État n'est pas contestée, appuie la CFDT dans un communiqué. Faut-il la rappeler ainsi ? » Pour
les deux syndicats, cette affaire illustre le besoin urgent de
clarifier l'articulation des pouvoirs entre préfets et administration
dans les territoires.
Contactée, la préfecture de la Nièvre précise que la DDCSPP a traversé une "crise de management en 2013".
Un nouveau directeur est arrivé en août, ajoute la préfecture, et un
nouveau projet de service associant les agents doit être mis en place.
"La préfète Michèle Kirry est allée à la rencontre des agents, vendredi
29 novembre au matin, avec le secrétaire général de la préfecture et un
responsable de la Direccte (ndlr : la direction
régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du
travail et de l'emploi) et tout s'est très bien déroulé", dit-on encore. Le mail serait "une maladresse" qui ne "correspondrait en rien" aux intentions de la préfète...
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